THE
GALLEY Translation by Mark Spitzer |
La
Galère by Jean Genet |
A liberated convict, hard and ferocious, flings a galley-slave into the yard but with a flourish of sword The pimp, Southern Cross and the murderer, North Pole (1) remove from an other his earrings of gold. The most beautiful are flowering with strange maladies. Their guitar-butts burst in melody. The foam of the sea wets us with spit. Are we cast up from the throats of a pasha? « They speak of beating me and I hear your blows. Who rolls me, Harcamone, and stitches me in your pleats? « Green-armed Harcamone, high-flying queen on your nocturnal odor and the woods awakened through the horror of his name-- this grieving convict sings on my galley and his song devastates me. « The oars weighed down by chains and shame the studs, the pirates, these bulls of the sea and your gesture wrought by a thousand years recount them and the silence with the night of your clear eye. « By the threads of death the weapons of these nights carried my arms paralyzed by wine the azure of nostrils traversed by the rose gone astray where a gilded doe shudders under the brush... (2) I astonish myself and lose myself in pursuing your course astonishing river from the veins of discourse. « Stink up my palate with these toughs that you guard bound up in your curls above two folded arms open your torso of gold so I can see them embalmed by the salt in your chest. (3) « A lamp shines here above my half-open coffins adorned with wet flowers and watches over my drowned loves. « Make a gesture, Harcamone stretch your arm a bit show me the path by which you will flee. You sleep or you die but you will rejoin this madwoman where free in their shackles the galley-slaves fly returning like me staggering from hot wines to prisons, to ports to marvelous dungeons. « The melodious farts you muffle imprison a green bouquet of frail tender pimps nostril swollen, we must await them and reach them transported by their veiled chariots. «
«
« To pursue the doe here «
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Un forçat délivré dur et féroce lance Un chiourme dans le pré mais d'une fleur de lance Le marlou Croix du Sud l'assassin Pôle-Nord Aux oreilles d'un autre ôtent ses boucles d'or. Les plus beaux sont fleuris d'étranges maladies. Leur croupe de guitare éclate en mélodies. L'écume de la mer nous mouille de crachats. Sommes-nous remontés des gorges d'un pacha? « On parle de me battre et j'écoute vos coups. Qui me roule Harcamone et dans vos plis me coud? « Harcamone aux bras verts haute reine qui vole Sur ton odeur nocturne et les bois éveillés Par l'horreur de son nom ce bagnard endeuillé Sur ma galère chante et son chant me désole. « Les rameaux alourdis par la chaîne et la honte Les marles les forbans ces taureaux de la mer Ouvragé par mille ans ton geste les raconte Et le silence avec la nuit de ton œil clair. « Les armes de ces nuits par les fils de la mort Portées mes bras cloués de vin l'azur qui sort De naseaux traversés par la rose égarée Où tremble sous la feuille une biche dorée... Je m'étonne et m'égare à poursuivre ton cours Étonnant fleuve d'eau des veines du discours. « Empeste mon palais de ces durs que tu gardes Dans tes cheveux bouclés sur deux bras repliés Ouvre ton torse d'or et que je les regarde Embaumés par le sel dans ton coffre liés. « Entr'ouverts ces cercueils ornés de fleurs mouillées Une lampe y demeure et veille mes noyées. « Fais un geste Harcamone allonge un peu ton bras Montre-moi ce chemin par où tu t'enfuiras. Mas tu dors ou tu meurs et rejoins cette folle Où libres dans leurs fers les galériens s'envolent. Ils regagnent des ports titubants de vins chauds Des prisons comme moi de merveilleux cachots. « Ces pets mélodieux où vous emmitouflez Cellule un bouquet vert de macs frileux et tendres La narine gonflée il faudra les attendre Et gagner transporté dans leurs chariots voilés « Mon enfance posée à peine sur la nuit De papiers enflammés et mêler cette soie A la rousse splendeur qu'un grand marlou déploie Du vent calme et lointain qui de son corps s'enfuit. « Pourtant la biche est prise à son piège de feuille Dans l'aurore elle éveille un adieu transparent Qui traverse ton œil ton cristal et s'éprend D'une larme tombée dans la mer qui l'accueille. « Un voleur en détresse un voleur à la mer. Ainsi sombre Harcamone au visage de fer, Des rubans des cheveux le tirent dans la vase Ou la mer. Et la mort? Coiffant sa boule rase Dans les plis du drapeau rit le mac amusé. Mais la mort est habile et je n'ose ruser. « Au fond de notre histoire ensommeillé je plonge Et m'étrangle à ta gorge Harcamone boudeur Parfumé. Sur la mer comme un pois de senteur Ton mousse écume fine à sa bouche écornée Par les Joyeux du ciel sur cette eau retournée Volé même à la mort appelle à son secours. Ils le vêtent d'écume et d'algues de velours. L'amour faisant valser leur bite enturbanée (Biche bridant l'azur et rose boutonnée) Les cordes et les corps étaient roides de nœuds. Et bandait la galère. Un mot vertigineux Venu du fond du monde abolit le bel ordre. Manicles et lacets je vis des gueules mordre. « Hélas ma main captive est morte sans mourir. Les jardins disent non où la biche est vêtue D'une robe de neige et ma grâce la tue Pour la mieux d'un linceul d'écume revêtir. « La prison qui nous garde à reculons s'éloigne. En hurlant sa détresse une immobile poigne A ta vigne me mêle à ta feuille aux sarments De ta voix Harcamone à ses froids ornements. Abandonnons la France et sur notre galère... Le mousse que j'étais aux méchants devait plaire. Je ramais en avant du splendide étrangleur. Dont le bel assoupi où s'enroulent les fleurs (Liserons déboués, roses de la Roquette) Organisait rieur derrière la braguette Un bocage adorable où volent des pinsons. La biche s'enfuyait au souffle des chansons D'un galérien penché sur la corde du songe. « L'arbre du sel au ciel ses rameaux bleus allonge. Ma solitude chante à mes vêpres de sang Un air de bulles d'or aux lèvres se pressant. « Un enfant de l'amour ayant chemise rose Essayait sur son lit de ravissantes poses. Un voyou marseillais pâle une étoile aux dents De la lutte d'amour avec moi fut perdant. Ma main passait en fraude un fardeau de détresses Des cargaisons d'opium et de forêts épaisses En vallons constellés parcourait des chemins A l'ombre de vos yeux pour retrouver vos mains. Vos poches ce nid d'aigle et la porte célèbre Où le silence emporte un trésor de ténèbre. Mon rire se cassait contre le vent debout. Gencive douloureuse offerte avec dégoût Aux larves d'une prison où l'on vient de m'admettre. « Dans l'ombre sur le mur de quel navigateur Son ongle usé du sel mais juste à ma hauteur Parmi les cœurs saignants que brouillent les pensées Les profils les hélas nos armes déposées Indéchiffrable à qui ne se bat dans la nuit Où des loups sont les mots aura l'ongle qui luit Laissé de mes yeux fous la clameur dévorante Déchirer jusqu'à l'os le nom d'Andovorante? « Le fier gaillard d'avant qui se cabrait de honte Était serré de près par le membre d'un comte. On le cognait brutal des poings et des genoux. Des mâles foudroyés dégringolaient sur nous. (Les genoux clairs de lumière et de boue Les genoux à genoux sur le pont qui s'ébroue Les genoux ces chevaux qui se cabrent dans l'eau Les genoux couronnés croupes de matelots) La rose du soleil s'effeuillait sur les Iles. Le navire filait de mystérieux milles. On criait à voix basse un ordre où des baisers Passaient comme des fous sans savoir se poser. Le fragile reflet d'un incassable mousse Une eau dormante en moi l'allongeait sur la mousse. « Vos dents Seigneur votre œil me parlent de Venise! Ces oiseaux dans le creux de vos jambes de buis! A vos pieds cette chaîne où ma fainéantise Alourdit encore plus l'erreur qui m'y conduit! « Trop la guipure parle et le rideau dénonce. Les vapeurs du carreau tu les cueilles du doigt. Ton fin sommeil se noue et ta bouche se fronce Quand se perd ton bel œil sur une mer de toit. « Un gars bien balancé par la vague et le vent Dans sa gueule ébréchée où je voyais souvent S'entortiller la pipe à mes jupes de femmes Ce gars passait terrible au milieu d'oriflammes. Un chiourme de vingt ans piteux et bafoué Se regardait mourir à la vergue cloué. « Harcamone dors-tu la tête renversée La figure dans l'eau d'un songe traversée Tu marches sur mon sable où tombent en fruits lourds D'une étrange façon tes couilles de velours Éclatant sur mes yeux en fleurs dont l'arbre est fée. Ce que j'aime à mourir dans ta voix étouffée C'est l'eau chaude qui gonfle ce tambour tendu. Parfois tu dis un mot dont le sens est perdu Mais la voix qui le porte est si lourde gonflée Qu'il la crève il ferait de cette voix talée Couler sur ton menton un flot de sang lépreux Mon mandrin fier et plus qu'un guerrier coléreux. « Aux branches d'un jeune arbre à peine rattachées D'autres fleurs j'ai volé qui couraient en riant Les pieds sur ma pelouse et mon ombre couchée Et m'éclaboussant d'eau ces roses s'y baignant. « (Tiges à pleines mains corolles se redressent Corolles sont de plume et les membres de plomb) Il sonne un air fatal à leurs vives caresses Avec l'eau rejetée à coups de fins talons. « Chaudes fleurs qui sortez vers le soir des ruelles Je suis seul enfermé dans un drapeau mouillé De ces humides plis de ces flammes cruelles Belles fleurs qui de vous saura me débrouiller? « Est-il pays plus frais que celui de vos rires. Neige sur les écueils votre langue léchant Le sel d'algues d'azur sur le ventre et le chant Vibrant dans votre corps tourné comme une lyre? « Y poursuivre la biche est un jeu que j'invente A mesure. On débrouille une reine émouvante Exilée et si douce à chaque bond cassé Sous le manteau mouillé d'une biche. Glacé De respect je retrouve aux bords de ton visage Une reine captive enchaînée au rivage. Dormez belle Harcamone assassin qui voulez Les gorges traverser dans mes souliers ailés. « Sur cet instant fragile où tout était possible Nous marchions sur l'azur étonné mais paisible. La galère en désordre était d'une beauté Moins étrange que douce un village enchanté Un air de désespoir accompagnant sa fête (il neigeait quelle paix sur la calme tempête!) De violons et de valses. Elle avait sur les bras Tout son fardeau sacré dans un funèbre aura De colonnes de fûts de cordes et de torses. L'océan se tordait sous sa fragile écorce. Le ciel disait sa messe il pouvait de nos cœurs Compter les battements. Dure était la rigueur De cet ordre terrible où la beauté tremblait. Nous allions en silence à travers des palais Où la mort solennelle avait passé sa vie. De remonter à l'air je n'avais plus l'envie Ni la force à quoi bon mes amis les plus beaux S'accommodant du monde et de l'air des tombeaux. « Et tous ces clairs enfants volaient dans la voilure. Le songe vous portant filait à toute allure. La guirlande rompue fut par l'amour nouée Jusqu'aux pieds de la mort et la mort fut jouée. Je vivais immobile un moment effrayant Car je savais saisi ce beau monde fuyant Dans une éternité plus dure et plus solide Que celle de l'Égypte à peine moins sordide. On quittait des taureaux par le nœud étranglé De trois hommes formé. La main du vent salé Pardonnait les péchés. C'était cette galère Un manège cassé par un soir de colère. Et pourtant quelle grâce émerveille mon œil! Solennel monument cadavres sans cercueil Cercueils sans ornements nous étions par le songe Embaumés empaumés. Pressez vos mains d'éponge! A mon torse salé portez vos doigts d'amour. Je saurai revenir des informes détours. « Brouillard au bout des doigts si je touche à ta robe Animal tu fondras pour d'air bleu devenir Une larme roulant de ton étrange globe Sur ton pied sec à toi biche se doit m'unir. « La bruyère est si rose approche un éventail De ta joue un soupir dégonfle le silence. Le hallier se blottit dans l'ombre au lent travail Je resterai donc seul. Qui soupire et s'avance Nuit? Sur tes bois s'éveille un vaisseau mal ancré Dans le ciel. Biche fine un doux bruit de ramure Ton oreille recueille et le doigt d'air doré Net cassant cette glace écoute leur murmure... « Grappes d'empoisonneurs suspendus aux cordages Se bitent les bagnards en mélangeant leurs âges. De la Grande Fatigue un enfant endormi Revenait nu taché par le sperme vomi. Et le plus déchirant des sanglots de la voile Appareiller cueilli comme un rameau d'étoile Sur mon cou reposait cœur et lèvres d'un gars Mettait une couronne achevait les dégâts. Mes efforts étaient vains pour retrouver vos terres. Ma tête s'enlisait fétide et solitaire Au fond des mers du lit du songe des odeurs Jusqu'à je ne sais quelle absurde profondeur. Un fracas grec soudain fit trembler le navire Qui s'effaça lui-même en un dernier sourire. Une première étoile au ciel d'argot fleurit. D'un galérien charmant connaissant sa demeure Dans nos bosquets plaintifs où cette biche pleure Un être de la nuit dont le froc paresseux Baissa le pont de toile à mon libre vaisseau. La rose d'eau se ferme au fond de ma main bleue. (L'éther vibre docile aux sursauts de ma queue. De nocturnes velours sont tendus ces palais Que traversait mon chibre et que tu désolais A bondir sans détours jusqu'aux étoiles nues Parcourant le pied vif de froides avenues.) Sur le ciel tu t'épands Harcamone! et froissé Le ciel clair s'est couvert mais d'un geste amusé. « Un cavalier chantait du ciel à la galère Par les astres gelés les systèmes solaires. « Escaladant la nue et l'éternelle nuit Qui fixa la galère au ciel pur de l'ennui Sur les pieds de la vierge appelant ses abeilles? « Astres je vous dégueule et ma peine est pareille Harcamone à ta main ta main morte qui pend. Enroule autour de moi ô mon rosier grimpant Tes jambes et tes bras mais referme tes ailes. Ne laissons rien traîner ni limes ni ficelles. Pas de traces sortons sautons dans ces chariots Que j'écoute rouler sous ton mince maillot. « Mais je n'ai plus d'espoir, on m'a coupé ces tiges. Adieu marlous du soir de dix-sept à vingt piges. « Voyage sur la lune ou la mer je ne sais Harcamone au cou rose entouré d'un lacet. « O ma belle égorgée au fond de l'eau tu marches Portée à chaque pas sur tes parfums épais Sur leur vague qui frise et se déforme après Et tu traverses lente un labyrinthe d'arches. « Dans l'eau de tes étangs de noirs roseaux se traînent A ton torse à tes bras se noue un écheveau De ces rumeurs de mort plus fort que les chevaux Emmêlés l'un dans l'autre aux brancarts d'une reine. « Source of Text This is the re-membered version of Genet's most dismembered poem. In the past, this poem has always been stanzically misrepresented; the stanzas being so long that the printers were forced to chop up the strophes so they'd fit on the page. But by using "La Galère (Fragments)" -- which was originally dedicated to Nico Dakis and published in La Table ronde, vol. 3, 1945 -- as a guide for realigning the stanzic form, the actual context of the original La Galère, of which 80 copies were published in 1947 by Jaques Layou's "Libraire à Paris, Passage des Panoramas, et imprimée sur les presses de l'Hôtel de Sagonne" (with illustrations by Léonor Fini) -- was applied to the original structure in order to reconstruct the poem. Stars have been installed to clearly mark the stanzic breaks. |